Entrez, Mesdames et Messieurs, dans la nouvelle échoppe de l’Education Nationale, la vitrine en est si accueillante !
Il faut dire que désormais un nouveau ministre, présentable et placide d’apparence, y remplace l’incarnation du mépris, de la morgue et du mensonge qui y trôna cinq années durant. Quel soulagement se dira-t-on ! La boutique redevient fréquentable !
Las, si l’on s’aventure à jeter un œil dans l’arrière-boutique, on déchante vite. Il est vrai que le gérant n’a point changé et qu’au-delà du nouveau prête-nom, le personnel est demeuré le même.
D’ailleurs, on peine à trouver des inflexions rassurantes dans les premiers propos du nouveau ministre. Qu’on ne s’illusionne pas, la même politique sera poursuivie, les mêmes ravages assumés, le même discrédit porté sur les enseignants.
Et pourquoi pas en pire ? On peut s’étonner de voir un ministre ignorer, dès qu’il s’agit des enseignants, non seulement le simple fonctionnement des établissements mais, plus grave, les principes élémentaires du droit du travail. On peut s’étonner de voir l’institution se lancer avec délectation dans le job-dating. On peut même s’étonner de voir un Recteur trouver normal qu’un titulaire n’ait pas la garantie de son poste. Et nous ne sommes sans doute pas au bout de nos surprises … Il est vrai que l’exemple vient d’en haut, que le gérant sait insuffler à ses commis sa vision fanatique. Vous savez, celle d’une société sans statuts, d’une société qui logiquement prive les agents du service public de droits, de carrière et même de rémunération, d’une société où en cohérence le service public n’aura plus sa place, d’une société qui au final ne sera plus une société.
Tout cela s’organise. Et donc pour l’Education Nationale, il importe de détériorer les conditions : d’alourdir la charge de travail, de supprimer et fragiliser les postes, de surcharger les classes, de s’assurer d’une rémunération indigne des personnels, de généraliser, tant par des réformes trompeuses que par la mascarade d’examens de façade, la perte de sens du métier pour ceux qui enseignent, comme la perte de la finalité des enseignements pour ceux à qui ils sont dispensés. Il importe de créer les conditions de la pénurie d’enseignants que l’on pousse au départ ou que l’on dissuade d’entrer dans un métier profondément, symboliquement, matériellement dévalorisé.
Et le petit personnel dans tout ça ? On se gardera de lui poser la question de confiance car il risquerait de ne pas apporter les réponses attendues ! C’est qu’il perçoit bien l’effondrement en cours, c’est qu’il risquerait de réclamer comme le SNES-FSU un plan d’urgence.
Et en effet, nous réclamons des moyens budgétaires afin de créer postes et classes en nombre suffisant pour le service public accomplisse sa mission. Nous réclamons qu’on rende au métier dignité et attractivité, par le rattrapage du déclassement salarial installé au fil du temps, par la refonte des grilles indiciaires, par le retour à des décharges de service pour ceux que la profession accueille. Nous réclamons la remise à plat de réformes, en premier lieu celle du triptyque lycée–baccalauréat-parcoursup, dont la visée est d’installer la concurrence de tous contre tous, la sélection et le tri social.
Enfin nous demandons aussi que l’on rompe avec la culture autoritaire qui imprègne désormais l’Education Nationale, qu’on rompe tout simplement avec la culture du mépris qui consiste à renvoyer sur les enseignants la responsabilité des dysfonctionnements d’une institution qui ne veut surtout pas les regarder.
Et nous avons ici une pensée toute particulière pour nos 3 collègues de Bourtzwiller convoqués au moment même où s’ouvre cette CAPA.
Nous ne pouvons nous contenter d’une devanture faussement alléchante.
Malheur au pays que gouvernent les boutiquiers !