Le « Plan Etudiants », qui réforme l’accès à l’enseignement supérieur, et le projet de réforme du bac auront de très graves incidences sur nos métiers et notre statut. En voici un premier décryptage, à partir des éléments dont nous disposons pour l’instant.
Réforme de l’affectation post-bac et ses impacts sur le lycée
Le Ministère entend améliorer l’orientation des bacheliers ; en fait, il installe un tri à la sortie du lycée, dont les collègues seront complices. Il justifie sa réforme en arguant que « 60% des bacheliers ne valident pas leur première année à l’université » ; or, selon l’OCDE, en France 80% des bacheliers qui entament des études supérieures sortent avec un diplôme, contre 68% en moyenne dans l’OCDE. Il prétexte aussi les dysfonctionnements d’APB cet été et l’injustice du tirage au sort : c’est oublier un peu vite que la hausse démographique était prévisible et que la création de places supplémentaires dans l’enseignement supérieur à hauteur des besoins suffirait à régler le problème.
Au lycée, les PsyEN (ex-COP) sont totalement absents du nouveau dispositif. Leurs missions seront à la charge des 2 professeurs principaux de Terminale, qui feront de l’information à l’orientation (renseignements sur les modalités d’accès aux formations, contingents, etc). Sans compter la masse de travail que cela représente, on sait qu’une telle conception de l’orientation est un frein à l’ambition scolaire des élèves issus des classes populaires, qui s’autocensurent. Ce 2e PP sera indemnisé avec la part modulable de l’ISOE ou une IMP (tutorat), au pro rata de la durée de la mission. Les élèves déposeront leurs 10 vœux, non hiérarchisés, sur « Parcoursup », qui remplace APB. Ce nouveau dispositif n’est pas un algorithme mais une plateforme de service : les formations de l’enseignement supérieur choisiront les candidats qui leur semblent les plus aptes à réussir, en fonction d’attendus (ou prérequis) définis pour une grande part localement. Le conseil de classe du 2e trimestre devra se prononcer sur ces vœux : ces avis sont destinés à éclairer le chef d’établissement sur son avis final. Un avis négatif empêchera l’élève d’accéder à telle ou telle formation. Soyons clairs : le Ministère entend confier aux collègues de Terminale la « sale besogne » : décider qui pourra ou non aller à l’université. Le lycée deviendra une « gare de triage ». On le sait, certains parcours de bacheliers sont chaotiques, et il est prématuré de décider en classe de Terminale que tel ou tel élève n’a pas les qualités ou les capacités pour suivre telle filière. Le SNES FSU appelle ainsi les collègues à ne pas barrer la route aux lycéens dans leur projet d’orientation. Une lettre à destination des parents pour dénoncer le nouveau dispositif est disponible ici ; vous pouvez profiter des CA ou des rencontres parents-professeurs de fin d’année pour la leur remettre, sous pli ou agrafée.
Nouvelle organisation du bac
Le calendrier est précipité et verrouille, de fait, toute réflexion : fin janvier : la commission Mathiot, qui procède à 70 auditions (de syndicats, associations de professeurs, inspecteurs, think tank, etc) rendra son rapport ; en février : le Ministère donnera ses conclusions, en mars-avril : les organisations syndicales seront consultées ; en mai : le Ministre présentera la réforme, pour une entrée en vigueur en septembre 2018 !
En assemblant les fuites dans la presse et les témoignages de certaines auditions, un scénario se dessine :
– 2 épreuves « majeures » terminales évaluées en février (sont évoqués, selon les interlocuteurs, des binômes SES/maths ou SES/histoire-géo ou maths/physiques-chimie ou maths/SVT) ;
– un grand oral sur le modèle du Colloquio italien portant sur les disciplines majeures, évalué en juin en présence d’un professeur de l’enseignement supérieur
– philosophie : épreuve écrite obligatoire pour tous, en juin ;
– Epreuve Anticipée de Français en classe 1re, obligatoire pour tous.
Les résultats des 2 majeures de février seraient intégrés dans « Parcoursup » et la plupart des disciplines seraient évaluées en contrôle continu. Cela placerait les collègues dans une posture ambiguë face à leurs élèves, puisqu’ils auraient la responsabilité de leur échec ou de leur réussite au bac, et modifierait profondément la relation pédagogique puisque les évaluations du quotidien perdraient leur caractère formatif pour devenir certificatives. Un tel scénario aurait également d’importantes conséquences sur nos services et constituerait une menace pour notre statut, avec une semestrialisation des emplois du temps et une annualisation de notre temps de travail.
Conséquence pour le lycée : une réforme qui ne dit pas son nom
La réforme du bac aura des conséquences sur l’organisation de la classe de 2de. Des rumeurs convergentes annoncent des baisses d’horaires hebdomadaires (en Histoire-géographie on passerait ainsi à 2 ou 2,5 heures), avec des changements de programme.
Les élèves se spécialiseraient dès la 2de, avec 2/3 d’enseignements en tronc commun (20 heures) et 1/3 d’enseignements de spécialisation. Dans un tel schéma, options et séries disparaîtraient en Première et Terminale, chaque élève se construisant un parcours à dominante, y compris technologique (cette voie est totalement absente du débat dans les commissions Mathiot : elle semble elle aussi menacée). En classe de 1re, les enseignements se répartiraient ainsi : ½ tronc commun, ½ enseignements spécialisés. Se profile ainsi un lycée modulaire, où les lycéens construiraient leur parcours et leur projet d’orientation en fonction des attendus de l’enseignement supérieur. Là encore, la méthode interroge : pourquoi une telle précipitation alors que l’enjeu de la classe de 2de est crucial pour la réussite au lycée ? Nos élèves méritent mieux qu’une réforme à la hache. Quant aux collègues, on ne voit que trop bien comment cette réforme impacterait leur métier et leurs services : concurrence entre disciplines, hausse du nombre de classes en charge, menace sur l’offre de langues vivantes, multiplication des compléments de service, mesures de cartes scolaires, etc. Si on y ajoute la baisse d’environ 20% des postes ouverts aux concours pour la session 2018, on comprend aussi que ce sont les perspectives d’économie qui pilotent cette réforme.
Ce projet n’est pas le nôtre : derrière le lycée modulaire et l’individualisation des parcours se cache la sélection précoce et l’éviction des classes populaires de l’université. Nous défendons un lycée offrant une culture commune ambitieuse à tous les lycéens et un bac national, ayant la même valeur quel que soit l’établissement et le territoire. Seules des épreuves terminales, anonymes et nationales peuvent garantir cette égalité entre les élèves.
Il faudra être particulièrement vigilants à l’arrivée des DHG, qui anticiperont sans doute les bouleversements à venir.Vous trouverez en pièce jointe un modèle de motion pour intervenir en CA ou provoquer la discussion entre collègues. Nous organiserons également un stage le 10 avril 2018.
Retrouvez ici le dossier complet. Signez et faites signer la pétition « Le bac a du sens ! »