Depuis la rentrée, nous avons tous fait le constat des conséquences du 1er confinement sur les acquis des élèves mais aussi sur leur attitude face au travail (difficultés d’organisation, de concentration, moindre autonomie), voire leur motivation même s’il est compliqué, parmi les nombreuses absences de ce début d’année, de repérer celles qui sont les symptômes d’un décrochage. Ce constat justifie pleinement les demandes du SNES-FSU, formulées dés le mois de juin et assorties de propositions, d’allègement des programmes (et de recrutement d’enseignants pour diminuer les effectifs des classes). Il a également été au cœur d’un courrier adressé par le SNES académique au doyen des IPR à la mi-septembre1. Or, comme depuis le début de la crise sanitaire, la réponse de l’Institution n’est pas à la hauteur puisqu’on nous renvoie à la continuité pédagogique ou à des dispositifs comme devoirs faits ou les vacances apprenantes.

Alors que la crise sanitaire se prolonge, nous vous proposons ici quelques réflexions sur l’enseignement à distance et le numérique. Elles sont issues de l’ouvrage L’éducation aux temps du Coronavirus2.

Si l’enseignement à distance ne peut pas remplacer le travail en classe, c’est d’abord parce que l’équipement des familles mais aussi leur savoir faire numérique peuvent faire défaut. Ainsi, l’accès à un ordinateur et une imprimante, à une connexion internet suffisante varie très fortement d’une famille à l’autre, comme la possibilité de disposer d’une pièce tranquille où travailler. S’y ajoutent les capacités propres à un usage efficace de l’outil numérique (savoir télécharger un document, convertir des formats, classer, gérer des dossiers…).

L’enseignement à distance interroge aussi l’acte pédagogique. Enseigner, ce n’est pas gérer des flux de documents et de travaux à rendre, mettre à disposition des contenus. La construction du savoir passe aussi par les échanges, les explications, les sollicitations de l’enseignant. Le cours alterne ainsi les temps d’activités en autonomie, de correction qui permettent de revenir sur ce qui n’a pas été compris, de corriger les éventuels malentendus cognitifs et de synthèse. C’est cet ensemble qui doit permettre l’appropriation des connaissances et éviter le découragement des plus fragiles. La séparation des lieux et temps d’apprentissage de la vie sociale aident également à se concentrer et se maintenir au travail. Sans compter que certains enseignements techniques ou professionnels qui impliquent l’accès à des outils ou des logiciels spécifiques ne peuvent se faire à distance.

L’enseignement à distance a également soumis les familles à des exigences accrues en les chargeant de mettre en œuvre les activités scolaires proposées par les enseignants alors que les parents continuaient souvent à travailler, à distance ou à l’extérieur. Or les parents ne savent pas toujours quelles sont les attentes des enseignants, surtout quand les supports et exercices proposés ne correspondent pas à ce qui est habituellement donné aux élèves. Enfin, le travail scolaire a pu être source de conflits autour des réticences de certains enfants à effectuer les tâches scolaires ou au sein des fratries pour l’utilisation de l’outil numérique.

Enfin, l’enseignement à distance pose la question de la disponibilité aux études qui implique la possibilité de s’isoler, de ne pas être constamment sollicité par d’autres membres de la famille (ainsi des grands frères et sœurs qui doivent consacrer du temps aux plus petits), de ne pas être soumis à des situations angoissantes (ce qui est compliqué dans des familles qui se retrouvent confrontées à des difficultés matérielles suite à une perte d’emploi ou qui sont touchées par la maladie).

C’est pour éviter ce retour à un enseignement à distance, qui a particulièrement pénalisé les élèves des familles populaires, que les enseignants mais aussi des CPE, AED, PSY-EN se sont mobilisés dès la rentrée de novembre, et en particulier lors de la journée de grève du 10, pour demander un protocole qui empêcherait la fermeture des établissements.

1. https://strasbourg.snes.edu/Allegements-de-programmes.html
2. L’éducation aux temps du Coronavirus, sous la direction de Stéphane Bonnery et Etienne Douat, édition La Dispute, septembre 2020. Ce livre présente les travaux collectifs réalisés par une quinzaine de chercheurs en sciences sociales dans le domaine de l’éducation pendant le 1er confinement.