Du haut de son ministère, Jean-Michel Blanquer pratique la « parole magique » : il suffit de dire pour que les choses se réalisent. Le CNED et les ENT sont prêts, la continuité pédagogique une évidence... mais les faits sont parfois têtus. Même si après 4 semaines de fermeture des établissements scolaires, un peu de modestie a fait son retour dans les propos, le ministre admettant enfin qu’il ne maîtrise pas les effets de la crise sanitaire et que l’école reprendra quand elle pourra !
Sur le terrain, la hiérarchie intermédiaire suit l’exemple du grand chef et les injonctions en direction des enseignants pleuvent. Comme ce principal de collège qui assène 6 notes de service en 2 semaines de confinement. Tout se réglemente : quand donner le travail aux élèves, en quelle quantité, comment gérer l’évaluation... comme si le contexte de l’enseignement à distance détruisait la liberté pédagogique, comme si l’enseignant n’était plus l’expert de sa relation avec les élèves... Le ton des missives allant du mépris (pardon, bienveillance) à l’infantilisation en passant par l’autoritarisme. Dernière nouveauté, toujours en droite ligne des souhaits du ministère : maintenir le contact. Pour cela, liste des élèves en google doc, ordre donné d’appeler trois élèves par jour (avec horaires des appels), d’envoyer un mail au préalable... tout est prévu, ordonné ! Bien sûr, l’enseignant n’a rien à dire, il n’est qu’un exécutant ! Et l’imagination de nos chefs semblent sans limite, chaque jour amène son lot de nouveaux exemples : tel ce proviseur adjoint qui passe commande de capsules vidéo aux enseignants, entre autres, "pour mettre en valeur l’établissement"… ; tel autre qui propose de garder le lien avec les élèves pendant les congés, avec inscription sur un tableau des volontaires et non volontaires !
Notre rectrice aussi y va de son courrier. Ici, ce sont les professeurs principaux qui doivent faire face à une inflation de leurs tâches, bien au-delà de leurs missions. « Réguler le travail transmis aux élèves », « veiller à une charge équilibrée entre toutes les disciplines et sur la durée de la semaine », « tisser des liens entre les enseignants de l’équipe pédagogique », en étant particulièrement attentif aux éventuelles difficultés rencontrées par les professeurs stagiaires, « s’assurer qu’on ne perd personne en chemin », « assurer l’accompagnement à l’orientation »… Le tout en continuant à préparer des activités pour leurs élèves et en préservant leur équilibre familial… Pensée magique, quand tu nous tiens !
Tout cela part évidemment des bonnes intentions : tous les élèves n’ont pas la même autonomie, tous ne disposent pas du matériel informatique ou ne sont pas égaux devant l’usage de l’outil numérique.
Les enseignants sont déjà pleinement engagés pour maintenir la continuité du service public d’éducation, c’est à eux, collectivement, de définir l’organisation du travail de leurs élèves, les modalités pour maintenir le lien avec eux.
Rappelons que dans cette situation de « télétravail », les personnels utilisent, encore plus qu’en temps normal, leur matériel personnel : ordinateur, imprimantes, papier, connexion internet etc. Raison pour laquelle le SNES-FSU a rappelé au Ministre sa revendication d’une prime d’équipement, d’une importance encore plus grande dans la situation actuelle.