Lettre ouverte à M. Emmanuel Macron, Président de la République, et à M. Blanquer, Ministre de l’Education Nationale

L’histoire écrira que c’est sous votre présidence et sous votre ministère qu’une telle aberration a été possible : la fin de l’école de la République programmée et conduite à marche forcée par vos réformes de l’éducation.
Nous, enseignants, ardents défenseurs de l’égalité de nos élèves devant l’instruction, ne voulons pas être complices, notre devoir est de parler et de résister.

La vérité avant tout sur la réforme des lycées, M. Blanquer ! Nous dénonçons :

  • l’empilement des réformes et la précipitation avec laquelle elles sont mises en oeuvre ;
  • la mise en concurrence des disciplines, des enseignants et des établissements ;
  • l’aggravation des inégalités scolaires et territoriales en vous abritant derrière l’éventail des choix des lycéens ;
  • la dégradation des conditions d’apprentissage des élèves qui seront parfois contraints d’étudier une discipline hors de leur établissement voire à faire financer par leurs familles certains enseignements (CNED) ;
  • la terrible pression sur les élèves et leurs familles en leur imposant une orientation très précoce alors que vous supprimez les postes de CIO et vous bloquez le choix d’orientation final après la classe de terminale ;
  • l’imposition d’une école de l’évaluation permanente depuis le CP, le CE1, en 6e, en 2de, et enfin en 1re et terminale : entre 12 à 16 épreuves ;
  • la métamorphose de l’école maternelle en antichambre de l’école élémentaire, alors que c’est l’école qui autorisait l’enfant à s’épanouir dans des matières parents pauvres de sa scolarité comme les arts plastiques et la musique ;
  • la dégradation considérable des conditions d’exercice du métier d’enseignant en leur imposant deux heures supplémentaires qui conduiront à des suppressions de postes et à des chaînages (postes répartis sur divers établissements), à des effectifs pléthoriques dans des classes non dédoublées ;
  • l’affichage de programmes ambitieux tout en réduisant drastiquement les moyens ;
  • le non-respect de l’avis du Conseil supérieur de l’Education qui le 18 décembre 2018 s’est ouvert par un voeu de moratoire sur les réformes du lycée adopté par 49 voix pour et 4 voix contre :"Ni la structure ni les programmes présentés ce jour ne peuvent être mis en application à la rentrée 2019" ;
  • la mise en œuvre de ces changements qui relève du casse-tête insoluble pour les établissements ;
  • la réduction sévère des heures d’enseignement général dans la réforme du bac professionnel, comme si ces matières étaient moins nécessaires à ces élèves qu’aux autres.



Nous vous accusons d’égarer l’opinion lors de vos passages médiatiques M. Blanquer, et de camoufler vos réformes derrière des messages de « sérénité »,
Nous vous accusons de duperie et de casser la maison Education Nationale en l’affublant du nom d’« école de la confiance », alors que votre réforme consiste à ériger la défiance en principe de gestion,
Nous vous accusons de passer outre l’opposition des enseignants qui font vivre ce système par leur conscience professionnelle placée devant tout,
Nous vous accusons de ne pas entendre les cris d’alarme des enseignants de tous les niveaux, toutes les filières, toutes les formations, depuis la maternelle jusqu’à l’université, qui luttent pour l’épanouissement de leurs élèves,
Nous vous accusons enfin de nier les efforts de toute la communauté éducative qui s’attache à rendre possible l’avenir des enfants de la nation mais aussi l’idée même de nation dans son sens le plus noble alors même que celui-ci est dévoyé par des valeurs de plus en plus repliées et mercantiles.
Un citoyen de la République ne peut se réduire à un travailleur éduqué.

Brisez ce silence assourdissant que vous opposez à nos mois de mobilisation, nos demandes d’audience, de négociation, nos actions, nos manifestations, nos grèves, nos démissions, nos protestations, nos propositions !
Notre attente n’a que trop duré ! Et travaillons enfin ensemble à l’élaboration d’une école à la hauteur des ambitions de notre pays et digne de son histoire.

Le collectif des lycées en lutte 67