Après l'hommage

L’assassinat de notre collègue Samuel Paty a saisi chacun d’effroi, créé une profonde émotion, semé un grand trouble.
Il n’y a pas eu de vergogne. La polémique bavarde et bruyante s’est installée qui égare les esprits, éloigne de l’essentiel.
Le SNES-FSU de Strasbourg a fait le choix de la retenue, le choix d’attendre que repose notre collègue, le choix de ne pas alimenter la surenchère médiatique.
La Nation a rendu hommage à notre collègue, exprimant dans la dimension symbolique sa solidarité aux enseignants, son soutien à la profession.
Mais demain ? Demain nous reviendrons dans nos classes, nous reprendrons notre tablier, nous poursuivrons l’œuvre inlassable et quotidienne d’ouvrir les esprits, d’armer les consciences, de les mener vers la liberté. Nous tâcherons, malgré tous les obstacles, contre toutes les misères, de faire vivre la promesse républicaine, de faire que les inégalités de notre société ne la rendent pas vaine.
Dans quelles conditions ?
Nous avons besoin de sérénité, loin de toute instrumentalisation de ce crime. Aucun enfant qui nous est confié ne peut être assigné à son origine, à sa religion, à sa condition sociale.
Nous avons besoin de temps. Trop de réformes ont réduit le temps d’enseignement et ne permettent plus le dialogue, la réflexion, la construction.
Nous avons besoin d’espace. On entasse nos élèves toujours plus nombreux dans toujours moins de classes. Comment s’occuper alors efficacement de tous et de ceux qui ont le plus besoin de nous ?
Nous avons besoin de collègues, d’enseignants de CPE, de PSY-EN, d’AED, d’AESH de médecins, d’infirmières, de personnels administratifs. Nous ne connaissons que les suppressions de postes.
Nous avons besoin de soutien au quotidien. Nos choix pédagogiques, même anodins, prêtent trop vite à contestation. Nous sommes trop souvent laissés seuls, suspectés, réprimandés, montrés du doigt pour acheter une paix illusoire. A-t-on simplement conscience de ce qui s’imprime en nous de souffrance ? A-t-on conscience de la culpabilité qu’on fait peser sur nous, du renoncement qu’on nous demande d’assumer ?
Nous avons besoin d’autre chose que de mépris. Les mêmes qui affirment que nous ne sommes pas utiles au redressement du pays, qui taillent dans les horaires, dans les enseignements, surchargent les classes, nous accablent de fatigue à coups de réformes et d’injonctions, sont les mêmes qui prétendent que nous sommes choyés.
Nous avons besoin d’actes. Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, au moment où s’ouvre le Grenelle de l’Education, allez-vous nous donner le temps et l’espace nécessaires à notre mission ? Allez-vous recruter les collègues qui entreront dans la carrière où leur aîné n’est plus ? Allez-vous reconnaître notre travail par autre chose que des oboles qui nous font l’injure d’être assujetties à des contreparties ? Saurez-vous ne pas vous contenter de paroles symboliques ?
Nous avons besoin de l’ambition éducative que réclament notre jeunesse, notre République. 
Aux armes ? Non, aux actes !