Monsieur le Recteur, permettez-nous ici un conseil :
Si jamais Macron ou l’un de ses sbires venait à vous tendre un billet de 20 Ꞓ uros, retournez bien ce billet et réfléchissez bien avant de le saisir. Il s’agit très certainement d’une arnaque entourée de boniments.
Du côté de ceux que nous représentons on commence à être rompus à l’exercice. Il n’est plus de salle des professeurs qui ignore que les enseignants français sont parmi les plus mal payés, parmi ceux qui travaillent le plus comme parmi ceux qui encadrent le plus d’élèves dans l’OCDE. En un quart de siècle le déclassement salarial des enseignants a été vertigineux, déclassement auquel vient récemment s’ajouter la punition collective d’une inflation qu’aucune augmentation de salaire ne vient compenser. Face à cette réalité, qui pour la salle des professeurs n’est pas que statistique mais bien tangible au quotidien, le billet de 20 euros paraîtra dérisoire et vous rendra vite méfiant. L’évidence serait en effet, si d’aventure l’on voulait effectuer un rattrapage, une revalorisation au sens propre et non dévoyé du mot, l’évidence serait donc d’augmenter la valeur de l’indice et de refondre les grilles. Evident, simple et non négociable. Parce que parvenir à se nourrir, à se loger, à mettre de l’essence dans le réservoir, à échapper au banquier devrait être évident, simple et non négociable.
S’oriente-t-on vers cela ? Après la vraie fausse augmentation du 1er janvier 2023, voici que notre Ministre se lance dans une communication demi-habile qui ne trompera plus la salle des professeurs. Il évoque une augmentation « inconditionnelle ». Rien que ce mot est une insulte à une profession qui ne demande que la juste et normale rémunération de son travail. Ce Ministre chercherait-t-il par ce mot à effacer des mémoires la tout aussi honteuse « reconnaissance immatérielle » de son prédécesseur ?
Deux hypothèses sont évoquées, vite balayées avec rage par la salle des professeurs. Une large partie de la profession, celle qui est en milieu ou seconde partie de carrière, celle qui est la plus expérimentée, mais aussi celle qui aura pris le plus de coups, est traitée de manière indigne. L’aumône hypothétiquement consentie sera immédiatement dévorée par l’inflation ! Quant aux plus jeunes, c’est la perspective d’une carrière sans évolution significative qui les attend. Mais il est vrai que le Ministre n’envisage plus guère que de recruter des enseignants essorables et jetables sous dix ans...
Il ne s’arrête d’ailleurs pas en si bon chemin et propose un pacte véritablement diabolique. Prétendre augmenter les enseignants en exigeant d’eux un surcroît de travail, en sommes-nous encore au stade de l’insulte ou bien plutôt du crachat dans la figure ? Qu’en pense à votre avis la salle des professeurs ?
Il faut ce faisant oser faire fi des constats maintenant bien établis de la surcharge de travail des enseignants et de leur épuisement au travail.
Il faut oser aggraver les inégalités femmes/hommes dans l’Education, elles aussi bien établies. Car il ne faut pas être grand clerc pour anticiper que beaucoup d’entre nos collègues femmes reculeront devant ce pacte, qui relèvera soit dit au passage de l’indemnitaire, donc sans prise en compte pour la retraite.
Il faut oser imposer via ce pacte des tâches, enfin un « panel modulable » (sic) de tâches, précédemment moins mal rémunérées et renforcer le poids de l’arbitraire au niveau local.
Il faut oser laisser entendre à l’opinion que finalement, au bout du compte, on pourrait quand même faire travailler un peu plus tous ces paresseux.
Ce n’est pas ce message que celles et ceux qui au quotidien portent l’Ecole à bout de bras attendent de leur Ministre. Mais pourtant le message est là : vous n’avez que mépris et maltraitance à attendre de votre institution. Alors, non : la FSU ne signera pas du sang des collègues ce pacte indigne et pervers.
A ce stade, vous nous direz : « Quel lien avec l’ordre du jour de la CAPA qui s’ouvre à cet instant ? »
C’est que les collègues dont nous examinons ici le recours en appréciation, nous les croisons dans la salle des professeurs, ils partagent le mépris et la maltraitance commune. Ils demandent réparation.
Leur enverrez-vous, Monsieur le Recteur, le même message que leur Ministre ?