Près de 80 enseignants ont échangé avec Georges Thai, responsable du groupe LV au secteur national contenus et des militants académiques du SNES-FSU. Ils ont exprimé leur colère et leurs inquiétudes face aux réformes (collège – 2016 & lycée 2019), qui déstabilisent le travail quotidien et fragilise les Langues Vivantes, éternelles variables d’ajustement.
La réforme du collège a beaucoup malmené l’enseignement des langues vivantes : baisse horaire, fin des sections européennes, suppression puis retour du bilangue. Ce dernier est proposé dans beaucoup d’académies, mais on peut s’interroger sur les motivations alors que la marginalisation des LV semble avérée par son absence dans l’évaluation pour le Diplôme National du Brevet (DNB). La souplesse de cadrage engendre une gestion locale définie par une DHG contrainte ; si les horaires sont respectés, les choix des LV varient fortement. Le sondage fait le jour du stage (voir encadré ci-dessous) confirme qu’avec la politique locale et la continuité primaire-collège, c’est le parcours bilangue (allemand-anglais) qui est majoritairement proposé en 6e pour introduire l’anglais, préserver l’allemand, mais aussi pour rationaliser une gestion complexe. En 5e, c’est davantage l’espagnol qui est proposé, mais dans nombre de collèges, il n’y a pas de 3e LV. La diversité promise en 5e n’est pas au rendez-vous ; c’est ainsi que l’italien LV2 disparaît dans le Haut Rhin.
Avec la réforme Blanquer, les langues payent le prix fort. Georges Thai a expliqué comment l’architecture du lycée, l’évaluation et l’impact du choix des spécialités imposent une transformation structurelle de l’organisation des enseignements et des examens, avec des évaluations étalées sur les deux tiers du cycle terminal du lycée. Déjà mises à mal par la réforme Châtel (2010), les LV ont servi de laboratoire expérimental en ouvrant la voie de la gestion locale avec les ECA (Evaluations en cours d’année). Depuis 2013 l’organisation de 50% des épreuves du baccalauréat (orales, valant 50 % de la note finale), de la conception des sujets à l’évaluation des candidats, est assurée dans et par l’établissement et les professeurs de LV. Sans cadre national ou académique ni financement prévu, les épreuves ECA, sont devenues un « bricolage local » source d’inégalité comme le confirme le sondage fait auprès des collègues. Professeurs trop zélés ? Disciplines sacrifiées ? Sans faire de vagues, ils ont absorbé et fait fonctionner la machine, mais la surcharge de travail considérable génère souffrance et pression..... Avec la réforme Blanquer, la tâche sera plus rude encore.
Si la France propose la diversité linguistique la plus forte en Europe, cette réforme est le coup de grâce à cette diversité. L‘absence de financement et la mise en concurrence des disciplines impacteront particulièrement les LV3 et les collègues sont inquiets pour leur avenir professionnel.
Aucun financement n’étant prévu malgré l’affichage d’un horaire renforcé, les sections Euro sont également menacées. Peut-être aussi par l’enseignement « DNL Hors section européenne ou SELO » qui pourra être assuré par des enseignants non linguistes - ayant ou non une certification (voir l’arrêté du 22/12/18 ici)
Les certifications ont également été abordées - notamment le Cambridge English Certificate, qui jusqu’en juin 2018 était proposé aux élèves de 2de section européenne. Le CEC (niveau B2) est depuis septembre 2018 destiné aux élèves de terminale et aux étudiants de certains BTS. Ce changement pourrait-il annoncer la généralisation des certifications, voire une externalisation de l’enseignement des LV ? Le SNES-FSU rappelle son refus de certifications délivrées par des organismes privés qui utilisent le travail supplémentaire non rémunéré des enseignants tout en réalisant des profits non négligeables (voir ici)
Pour la LLCE (Langues, Littératures et Cultures Etrangères) du cycle terminal, c’est encore l’anglais qui sera proposé dans la majorité des lycées de l’académie alors que 3 autres LV (allemand, espagnol, italien) sont possibles (voir carte des spécialités et options ici). Il en va de même dans la série technologique, ou la généralisation de l’heure d’ETLV en LVA (Enseignement Technologique en Langue Vivante 1) fera la part belle à l’anglais.
La concurrence entre disciplines est intrinsèque à la réforme. Avec l’abandon forcé d’une des 3 spécialités à la fin de la 1re le risque d’un profilage implicite des postes de spécialité ou d’un choix de « professeur compétent » pour la spécialité est réel. Tout comme de voir reportée la responsabilité du maintien d’une spécialité sur l’enseignant, au regard des répercussions sur les postes disciplinaires. Les niveaux ambitieux des programmes (de B2 / C1 pour LVA) avec des horaires dérisoires interpellent. Tous les collègues parlent de détérioration réelle liée aux effectifs chargés, et des groupes plus nombreux et très hétérogènes. La surcharge de travail et l’instabilité croissante avec la multiplication des postes à complément de service concourent à cette dégradation. Et le recours aux contractuels prévus par le gouvernement pour pallier l’insuffisance des recrutements au concours et la pénurie des professeurs de langues, notamment d’allemand et d’anglais, exacerbera les tensions.
Actions : Le SNES-FSU a proposé aux collègues d’informer la section académique des mobilisations pour qu’elles soient sur le site du Snes, car toutes ces actions locales résonnent plus fort quand elles s’inscrivent dans une lutte collective et nationale (Heure Syndicale Mensuelle, actions collectives avec les collègues et les parents en invitant les médias, intervention dans les instances (CA, Conseil Pédagogique,..), motions au CA de juin, courrier au recteur, demande d’audience (état des actions, ici).
Collège (Réponses des collègues représentant 10 collèges)
9 collèges sur 10 proposent l’enseignement bilangue allemand-anglais en 6e
7 collèges sur 10 ne proposent pas de 3e langue en 5e et, dans l’un d’eux, l’italien est supprimé au 1/09/19 ; sur les 3 qui proposent une LV autre que allemand-anglais en 5e, 2 vont à l’espagnol, 1 à l’italien. Un collège propose 5 LV2 en 5e et la certification Cambridge.
6 collèges sur 10 ont une classe/section bilingue et les élèves passent la certification KMK en 4e ou 3e.
Lycée (Réponses des collègues représentant 16 lycées)
Epreuves ECA–CO (Compréhension orale) : 11 collègues sur 18 répondent que l’épreuve de CO (conception, passation, évaluation) est collégiale avec échanges de copies, mais 7 collègues sur 18 (près de 40%) disent que l’évaluation de la CO est individuelle. Le temps de l’épreuve ainsi que le temps de la correction sont banalisés.
Expression orale : 16 collègues sur 18 disent que l’évaluation est individuelle (le prof interroge ses élèves). 2 lycées font des ECA collectives pour les 2 épreuves avec échange de copies et de candidats.
Le temps consacré aux ECA relève d’heures banalisées, de temps de travail et de temps personnel.
Nombre de notions : 6 collègues sur18 disent évaluer sur les 4 notions, 7sur 18 disent évaluer sur 3 notions en CO et 3 à 4 notions en EO, 1 dit évaluer sur 2 notions en CO et 3 notions en EO. 16 sur 18 ne sont pas payés pour ces ECA ; 2 lycées payent des HSE pour les heures faites hors temps de travail.