Les professeurs s’apprêtent à accueillir en classe des élèves qui ont suivi l’enseignement à distance durant le confinement et d’autres qui ont décroché. Peu rassurés par les mesures mises en place par le ministère, ils regrettent un manque d’anticipation.
Par Catherine CHENCINER – L’Alsace du samedi 29 août 2020
Si les professeurs, de l’école au lycée, se réjouissent très majoritairement de retrouver leurs élèves après des mois de scolarité en pointillé, mardi prochain, ils n’en sont pas moins inquiets. Comment accueillir des jeunes aux niveaux plus hétérogènes encore qu’à l’accoutumée, entre ceux qui ont profité au mieux de l’enseignement à distance, voire qui ont progressé plus vite, et les autres qui ont décroché, faute d’équipement adéquat ou de motivation suffisante, le phénomène ayant été, selon Élise Peter, au syndicat Snes-FSU, « largement sous-estimé » ?
L’Éducation nationale met à leur disposition des « tests de positionnement », mais là n’est pas la question, rappellent les enseignants dont l’année commence évidemment par « évaluer où en sont les élèves ». C’est ce qui est proposé pour remédier aux éventuelles lacunes post-confinement qui divise. Un « effort inédit » a été annoncé par le ministre Jean-Michel Blanquer en faveur de l’accompagnement personnalisé dans les établissements, à travers le renforcement, dès septembre, de dispositifs tels « Devoirs faits » au collège.
Le masque « complique » le lien pédagogique
Des moyens supplémentaires certes, mais qui ne sont « pas à la hauteur des enjeux » de l’avis d’Arnaud Sigrist, au Snes-FSU. « Ce ne sera pas suffisamment efficace. Pour identifier et rattraper les retards pédagogiques pris, l’enseignant doit pouvoir suivre sa classe. Nous aurions souhaité des effectifs réduits, c’est-à-dire qu’une partie des heures soient dédoublées dans chaque matière. » En outre, ces aides prévues hors de l’emploi du temps s’adresseront aux élèves qui le veulent bien, sans certitude que ce soit ceux qui en ont le plus besoin. « On ne sait pas comment ces moyens seront perçus et utilisés », avance Didier Charrié, au SE-Unsa. « Il faut que les familles les acceptent. »
Il faut aussi qu’il y ait assez d’enseignants volontaires, or ceux-ci « ne seront pas plus nombreux sur le terrain et déjà surchargés de travail », fait remarquer Élise Peter. « Le port du masque, censé résoudre tous les problèmes, complique le relationnel qui joue beaucoup dans la pédagogie », poursuit-elle. « Nous avions d’autres attentes, mais rien n’a été mis en place. Nous en sommes au même point qu’avant. » Pour ne pas avoir à administrer à ses élèves un contenu d’« un an et demi en une année », Arnaud Sigrist demandait un « allégement des programmes », en particulier pour les classes préparant un examen, une suggestion que le ministre a déjà écartée. Nicolas Nemett, au Sgen-CFDT, aurait préféré une souplesse permettant de « sortir de cette pression », de façon à ce que, prolonge Didier Charrié, les enseignants « travaillent sereinement. »
S’organiser avec des effectifs de plus en plus chargés
Or « on ne voit pas comment s’organiser avec des classes de plus en plus chargées, y compris dans l’éducation prioritaire, alors qu’avec certains nous étions plus dans le maintien du lien social que dans le travail scolaire. On aurait voulu pouvoir y réfléchir », résume Mathilde Mangado, dont le syndicat Sgen-CFDT avait adressé, dès juillet, une liste de onze propositions à la rectrice d’académie.
Sans même parler du nouveau protocole sanitaire de six pages, diffusé tardivement ce mercredi (L’Alsace du 26 août) et qui implique de gérer « beaucoup de détails pratiques de dernière minute », les organisations syndicales sont unanimes pour regretter l’impréparation et le manque d’anticipation de cette rentrée, ainsi que l’absence de « retour d’expérience ». Elles ont obtenu que, dans le Haut-Rhin, les équipes puissent se réunir dans les écoles dès ce vendredi, en plus de la prérentrée de lundi, signale Nicolas Nemett. « Nous avons besoin de plus de temps collectifs pour discuter en équipe », fait-il valoir, avec encore un regret : qu’il n’y ait pas eu de formations pour « gérer la parole d’élèves ayant vécu des traumatismes. »