Extraits de l’US n°787 du 20 avril 2019
Versailles – Logiciels contraints
Un nouvel étage est venu s’ajouter au château de cartes déjà bien bancal du lycée Blanquer : prenant prétexte des changements de programmes liés à la réforme sur les niveaux Seconde et Première, la Région Île-de-France se lance dans le passage aux manuels numériques, dans une opération qui pose de redoutables problèmes de forme et de fond.
Précipitation et inégalités
La Région agit dans la plus grande précipitation, avec des choix discutables pour les élèves et les personnels. Ainsi, la Région a fait le choix, non concerté, d’accélérer le rythme de déploiement des manuels numériques en équipant les élèves de tablettes ou d’ordinateurs, en Seconde et Première à la rentrée 2019. Prétextant un faible nombre de retours à la consultation menée à l’hiver dernier, la présidente de la Région Île-de-France, Valérie Pécresse, impose désormais un calendrier et des objectifs très contraignants : à peine trois semaines de discussion pour une réponse le 22/04et 100 % des LP et 50 % des LGT équipés en septembre. En revanche, la Région n’hésite pas à s’affranchir de certains cadres réglementaires, faisant fi de l’obligation de consulter le CA, pourtant rappelée par l’article R-421-3 du code de l’éducation...Derrière les éléments de langage, la réalité apparaît dans toute sa brutalité :en faisant le choix de ne pas équiper tous les élèves de Première, mais aussi de faire porter la charge de la maintenance sur les familles en Seconde et en Première, la Région prend une décision particulièrement inégalitaire, qui va à l’encontre du principe de gratuité du service public. L’existence d’un fond d’équipement sur critères sociaux et d’une réserve de matériel pour pallier les pannes restent bien flous : en définitive, certaines familles devront payer pour que leurs enfants puissent étudier dans l’enceinte d’un établissement public !
Chacun pour soi
Dans la droite lignée des politiques méprisantes menées contre les personnels, la Région fait le choix de ne pas équiper les professeurs, qui vont devoir supporter une charge de plus : s’équiper à leurs propres frais ou utiliser leur matériel personnel. Même si la Région s’en défend, ce projet, et la façon dont il est mené, illustre parfaitement sa volonté de prescrire des pratiques pédagogiques, sans prendre en compte les réalités du terrain. Comme sur les questions de fond le SNES-FSU Versailles n’a eu aucune réponse à des questions pratiques et précises, la section académique a interpellé la rectrice et appelle les personnels, en lien avec les familles, à ne rien se laisser imposer.
Strasbourg - Lettre ouverte aux élus
Alors que depuis deux ans, des lycées de la Région Grand Est sont engagés dans une « expérimentation », la Région, accompagnée par le rectorat, a décidé de généraliser le manuel numérique à tous les lycées, prenant notamment prétexte de la réforme du lycée et des changements de programmes, et en assurant aux parents d’élèves la gratuité de l’équipement pour leurs enfants. En l’absence de toute évaluation des deux premières vagues, alors que les collègues font état de nombreux dysfonctionnements (instabilité de la connexion wi-fi, faible interactivité des manuels...) et d’une charge de travail alourdie (enquête du CHSCTD du Haut-Rhin), alors que le CESER du Grand Est et le CHSCTA demandent un bilan objectif et un moratoire, les conseils d’administration des lycées sont sommés de se prononcer. Il ne s’agit pas de décider du passage au 4.0mais de la date d’entrée dans le dispositif, qui sera, de toute façon, imposée aux établissements, au plus tard à la rentrée 2020.Une fois encore, nous constatons les limites du dialogue social. Ce méprisa été dénoncé par les élus du SNES-FSU lors des CA, certains refusant même de voter. La section académique s’est adressée, par une lettre ouverte, aux élus régionaux. Nous demandons que le choix des équipes enseignantes entre livres papier ou licences numériques soit respecté.
Montpellier - Kit mains liées
Envoyé il y a quelques jours dans les lycées, un mail de la Région Occitanie dessine les contours de la nouvelle politique régionale en matière d’équipement en manuels pour la rentrée 2019. Désormais, les équipes pourront choisir entre un manuel papier conservé pendant cinq ans pour un niveau et une discipline donnés ou un manuel numérique renouvelable tous les ans au choix de chaque enseignant. Le panachage au sein d’une équipe n’est, en revanche, pas possible. Par ailleurs, contrairement aux engagements de l’ancienne Région Languedoc-Roussillon, la nouvelle grande Région « Occitanie » persiste à ne pas vouloir distribuer à chaque lycéen l’« ordi Région ». Seuls les élèves des lycées labellisés « numériques » auront tous droit à cet ordinateur portable, ce qui n’est pas le cas pour les élèves des autres établissements pour lesquels l’attribution sera soumise aux conditions de ressources du foyer.
Région déconnectée
Ces décisions ont été prises ou renouvelées sans que la Région donne suite à la demande d’audience formulée par la FSU en début d’année et qui souhaitait faire à nouveau entendre la voix des enseignants sur ces sujets. Les demandes sont simples : la possibilité de disposer des deux supports pour les manuels et l’attribution à tous les lycéens de l’« ordi Région » sans condition. La Région n’y répond pas entièrement et exerce, à travers les restrictions d’attribution, une pression sur les établissements et les personnels quant à l’obligation de l’utilisation du numérique au quotidien. Enfin, à la rentrée prochaine, la région Occitanie étend à l’académie de Montpellier l’ENT déployé actuellement sur l’académie de Toulouse et mis au point par l’entreprise privée Kosmos. L’ENT de l’académie de Montpellier construit à partir d’un logiciel libre avec des modules développés par un regroupement d’établissements de l’enseignement supérieur est tout bonnement abandonné.
– L’usage des outils relève de la liberté pédagogique de l’enseignant. Le manuel numérique ne doit pas être imposé aux équipes. Les collectivités doivent prendre en charge le coût des licences ou des manuels papier en fonction des décisions des équipes disciplinaires.
– L’équipement en matériel informatique des établissements et sa maintenance doit être prévue et financée, y compris par le recrutement de personnels dédiés.
– L’accès de tous les élèves à un outil numérique de qualité doit être financé par la Région.
– La prise en charge par l’employeur du coût de l’équipement informatique pour les personnels enseignants.