En grève ce mardi, une vingtaine d’enseignants du lycée Adrien Zeller de Bouxwiller, soutenus par des élèves, ont manifesté devant l’établissement pour réclamer « plus de moyens » et une « dotation horaire globale plus élevée » afin de proposer davantage d’options aux élèves. (article de Guillaume ERCKERT, DNA - 02 févr. 2021)
« En colère ». Munis de pancartes, banderoles et t-shirts aux slogans explicites, la vingtaine d’enseignants grévistes — « soit 70 % des effectifs attendus pour la journée », disent-ils — manifeste dans le calme ce mardi 2 février sur la place du Château, devant les portes du lycée Adrien Zeller de Bouxwiller.
Ces professeurs dénoncent une « dégradation des offres d’enseignement » et « une baisse constante de la dotation horaire globale (DHG) », cette enveloppe d’heures attribuée à chaque établissement scolaire du second degré par le Rectorat en fonction des effectifs, des spécialités proposées, des options, des diverses voies d’orientation et d’un coefficient. Sur un an, la DHG a baissé de 14 heures au lycée de Bouxwiller, passant de 639 à 625 heures en 2020.
Une charge supplémentaire de travail pour certains professeurs
Une part importante de cette DHG est affectée aux enseignants en heures supplémentaires au détriment d’heures-postes. Cela implique « une charge supplémentaire de travail à certains professeurs et une hausse importante de compléments de service à effectuer dans d’autres établissements pour d’autres », indique Christine David-Kassel, élue du personnel et représentante du syndicat SNES-FSU du Bas-Rhin. Par ailleurs, « de nombreux enseignants se voient refuser leur demande de temps partiel pour la prochaine rentrée », poursuit-elle.
Préjudiciable dans l’accès aux études post-bac
Surtout, le volume horaire attribué pour cette année scolaire, jugé trop faible, rend « impossible le “financement” de l’ensemble des options proposées jusque-là au lycée », observe Christine David-Kassel. Les options musique et arts plastiques ont déjà été supprimées les années précédentes.
Depuis septembre 2020, « les élèves de seconde ne peuvent plus choisir l’option espagnol », malgré la présence d’une enseignante et l’intérêt manifesté par 36 élèves pour se perfectionner dans la langue de Cervantes. « Sa suppression totale est promise à la fin 2022 », regrette Christine David-Kassel. En juillet 2020, des enseignants du lycée dénonçaient déjà cette suppression.
La crainte d’une fuite des élèves vers d’autres lycées
Ces conséquences ne sont pas sans créer « des inégalités territoriales », dénoncent des enseignants grévistes interrogés ce mardi matin. « Nous pouvons proposer moins d’options alors que d’autres lycées en ont plus », assurent-ils. Notamment dans les grandes villes, où les établissements scolaires seraient mieux servis en DHG, assurent les manifestants. Ils craignent une fuite des élèves vers d’autres lycées.
Cette différence de traitement les pénaliserait principalement. En milieu rural, les jeunes bénéficient d’accès plus limité à la culture, comparativement aux villes, en dehors des enseignements de musique ou d’arts plastiques dispensés au lycée. Plus encore, la restriction du nombre d’options serait préjudiciable dans l’accès aux études post-bac. « Entre deux dossiers équivalents, la différence se fait sur les options », précise les enseignants. « C’est dommage car nous avons des jeunes motivés et volontaires », soufflent-ils.
À proximité, quelques élèves du lycée manifestent leur soutien à ce mouvement de grève. « Je m’associe entièrement à leur mouvement qui est légitime et utile », explique Victor, élève de Terminale. « Ils font grève pour nous, pour qu’on puisse suivre ces options, ajoute le jeune homme de 17 ans. Et que notre lycée ne soit plus défavorisé par rapport à d’autres. »
Ce mécontentement d’une partie du corps enseignant contre la décision du Rectorat s’est cristallisé dans les rapports avec la direction du lycée. Les enseignants grévistes reprochent au proviseur Pascal Moureau un « manque d’écoute et de respect ».
Ils demandent de « la bienveillance » de sa part à leur endroit. Selon eux, la décision [de supprimer l’option espagnol en classe de seconde] aurait été « prise en interne contre l’avis d’une partie des enseignants ». « Nous avons l’impression d’avoir une logique comptable et pas humaine, observent-ils. Nous ne sommes pas dans une entreprise mais dans une école. »
Le chef d’établissement assure que cette décision ne lui incombe pas. Elle a été prise par le conseil d’administration du lycée, « composé de 30 membres : des usagers, des élus locaux, du personnel enseignant et de l’administration du lycée ».
« Les choses ont été faites de façon régulière et légale », avance Pascal Moureau, qui regrette cette baisse de la DHG. « Cela fait 19 ans que je suis dans la direction d’établissement et 19 ans qu’elle baisse », commente-t-il.