23 mars 2019

Sections départementales

Les professeurs du lycée de Bouxwiller persistent dans la lutte

Quelques semaines après avoir pris la décision de mettre 20/20 à tous leurs élèves, les enseignants du lycée de Bouxwiller ont décidé de se joindre au mouvement de grève national ce mardi. (Article d’Elodie Rabeyrin, DNA, mercredi 20 mars 2019)

EN ROUGE et munis de pancartes en carton, les enseignants du lycée Adrien-Zeller de Bouxwiller sont sur le pied de guerre. Répondant à l’appel national, une quinzaine d’entre eux ont décidé de se porter grévistes ce mardi pour protester contre la réforme du lycée et du baccalauréat. Avant de partir rejoindre le gros de la manifestation à Strasbourg en début d’après-midi, ils se sont rassemblés devant leur établissement.

« Nous sommes considérés comme des pions »
À Bouxwiller, une telle mobilisation est inédite : « D’habitude, quand il y a une grève, il n’y a que deux ou trois professeurs qui y prennent part, remarque Christophe Kilian, professeur de mathématiques. Là, il y a vraiment un mouvement massif de collègues. » Les enseignants de Bouxwiller sont de fait engagés contre la réforme depuis quelques semaines déjà. Vingt-six d’entre eux, sur la quarantaine que compte l’établissement, attribuent une note supplémentaire de 20/20 coefficient 100 à leurs élèves pour entraver le fonctionnement de Parcoursup, la plateforme d’orientation en ligne. Le procédé a provoqué quelques remous du côté de leur hiérarchie. Le proviseur du lycée, Pascal Moureau, s’est d’ailleurs fendu d’une lettre à destination des enseignants pour leur demander de retirer ces notes, jugeant que « le mode d’action choisi vient trahir la confiance fondamentale et essentielle qui doit exister entre enseignants, élèves et familles, en banalisant, vulgarisant, le rôle et la valeur de la notation. [...] Pour l’heure, ce sont les élèves qui sont lésés, et vous vous exposez donc, le cas échéant à des recours juridiques par les familles, voire des procédures disciplinaires, et à la perte de toute crédibilité. » Ce courrier, interprété comme « un coup de pression » par les enseignants frondeurs, ne les a pas dissuadés de poursuivre l’opération. « La méthode est un peu extrême, mais il faut en passer par là pour se faire entendre, juge Nathalie Davidson, professeur de mathématiques. Nous ne sommes pas des enseignants opposés à toutes les réformes. Mais il faut qu’on nous donne les moyens qui vont avec. Là, c’est juste une réforme pour faire des économies. » Compte tenu de la baisse du nombre d’heures qui lui sont allouées, le lycée Adrien-Zeller devrait compter trois enseignants de moins (en histoire, SVT et maths), tandis que certains seront contraints de partager leur temps de travail sur d’autres établissements. « Nous sommes considérés comme des pions que l’on trimballe de droite à gauche, s’agace Mme Huntzinger, professeur de français. La qualité des enseignements en est affectée : quand on est à cheval sur différents établissements, on ne peut pas s’investir de la même manière »

Inquiétudes des élèves
Des représentants du conseil de vie lycéenne (CVL), un organe élu par les élèves, ont eux aussi remis une lettre aux enseignants : « Nous leur faisons part de nos inquiétudes, à savoir que la méthode du 20/20 pourrait nous porter préjudice, explique Lisa Laurentz, l’une des élèves élue. Nous les invitons à venir dialoguer avec nous pour essayer de trouver une solution un peu moins radicale. » Les professeurs se veulent toutefois rassurants vis-à-vis de leurs élèves : « Nous saurons nous adapter pour que cela ne leur nuise pas, explique Élisabeth Roth, professeur de français et de latin. Nous espérons être entendus au bout d’un moment. Et pouvoir enlever les 20/20. »