6 mai 2022

Santé, conditions de travail, action sociale

La Commission départementale d’Action sociale (CDAS), une aide méconnue

La Commission Départementale d’Action Sociale (CDAS) est un secours précieux, nécessaire, trop rare et révélateur du fonctionnement/dysfonctionnement de la société et de l’éducation nationale.

Les dossiers étudiés par la CDAS sont une sorte de microcosme des difficultés sociales, à travers le prisme de l’éducation nationale. Derrière les dossiers, des situations difficiles, des personnes humaines en souffrance et en lutte quotidienne pour survivre, des êtres singuliers.
Les dossiers sont examinés anonymement et présentés individuellement par l’assistante sociale qui a suivi le dossier, rencontré le demandeur, le plus souvent la demandeuse.
Toutes les situations décrites se retrouvent à de nombreuses reprises, ce qui permet aux demandeurs, à travers cet article, de se rendre compte que leur situation est à la fois unique et partagée.

Les inégalités entre les femmes et les hommes sont patentes, avec en particulier des salaires trop faibles pour de nombreuses femmes, et des femmes ayant un ou plusieurs enfants « à charge » (quelle expression !), des femmes affectées par un divorce entraînant une chute des revenus, voire la nécessité de déménager. Plus de 80% des demandeurs sont des demandeuses, ce qui correspond à la proportion de femmes dans les personnels de l’éducation nationale. Et plus de 80% des demandeurs sont des personnes seules avec ou sans enfant(s). Les non titulaires (le plus souvent des femmes) sont surreprésentés (la moitié des demandeurs).

Les crédits « étrangleurs ». L’endettement, voire le surendettement, peut résulter de l’impossibilité à faire face à des dépenses courantes, entraînant parfois le recours à des expédients comme des crédits à la consommation à taux élevés, pour compenser des découverts bancaires non autorisés (entraînant des taux d’intérêt élevés...), d’où la spirale de l’endettement. Dans ce cas, l’assistante sociale (profession très féminine) peut orienter vers une conseillère en économie sociale et familiale (pour aider à mieux gérer le budget), proposer une aide pour faire face aux dépenses courantes, ou même un crédit d’un montant limité (de l’ordre de 1000 euros) permettant d’échapper aux taux d’intérêt élevés.

La faiblesse des salaires (déjà évoquée) concerne plus de 25% des situations en 2020 et 2021. Avec plusieurs situations : une faiblesse du salaire en soi, en particulier pour les AESH ayant un salaire de l’ordre de 800 euros pour un travail à temps partiel, la perte de revenus suite à une maladie de longue durée (suite au passage à mi-traitement) ou le décès du conjoint générant une perte brutale de revenu (s’ajoutant à la douleur morale de la perte humaine).

De manière générale, la CDAS intervient lorsque survient un « accident » de la vie, qui déstabilise temporairement le budget : accident, maladie ou frais dentaires élevés, handicap (y compris enfant ou conjoint handicapé demandant une prise en charge lourde), décès du conjoint, séparation du couple (augmentant les frais mensuels pour chacun, avec des frais ponctuels de divorce, et la nécessité d’un déménagement pour au moins l’un des deux, voire les deux s’il faut vendre l’appartement ou la maison commune), faillite d’entreprise pour un indépendant avec demandeur conjoint solidaire (donc responsable des dettes et a priori solvable). A noter des situations de demande pour hébergement en EHPAD pour le demandeur lui-même ou un conjoint ou ascendant (lorsque les revenus sont insuffisants pour couvrir les frais d’hébergement). Ce type de situation pourrait se multiplier à l’avenir. Il est urgent d’anticiper.

La propriété du logement ou la location. En cas de propriété, ce sont souvent des frais ponctuels mais élevés de réfection de toiture ou de remplacement d’une chaudière. En cas de location, dans le privé, tout simplement le montant élevé du loyer, et dans l’habitat social même, les loyers ont fortement augmenté. Il n’est pas rare, avec un ou plusieurs enfants, d’avoir un loyer de 800 euros. Le taux d’effort (rapport entre le loyer et le revenu) peut dépasser les 30 à 50%. Le reste à vivre pour acheter de la nourriture est parfois faible, voire inexistant...

Et il faut ajouter à cette longue liste les dysfonctionnements institutionnels. Les agents non titulaires en CDD dont les contrats s’arrêtent au mois de juin pour enchaîner sur un nouveau contrat en septembre n’obtiennent pas toujours à temps leur certificat de fin de contrat, donc ils ne peuvent percevoir les allocations chômage à temps. Situation ubuesque. Cela est dû au dysfonctionnement du rectorat : manque de recrutement et manque de formation des personnels. Et évidemment, le fait de recourir à des agents contractuels avec un tel niveau de précarité est inadmissible. Autre dysfonctionnement : des agents perçoivent un salaire complet alors qu’ils travaillent à temps partiel. En conséquence, le salaire indû leur est réclamé alors qu’ils l’ont déjà dépensé (au vu des difficultés à boucler leur budget), le paiement intégral (en une seule fois) étant réclamé (avec saisie possible sur salaire) ; d’où un ménage se retrouvant sans revenu pour se nourrir et demandant une aide d’urgence.

Le nombre de dossiers traités annuellement par la CDAS (4 commissions par an) est de 140 à 160. Durant l’année 2020, le nombre de dossiers a chuté à 126 ; non que les situations soient moins difficiles, mais pour des raisons de maintien de la continuité de l’activité, plus un effet de moindre sollicitation, liées à la pandémie. Les refus d’aide sont de l’ordre d’une dizaine par an, sachant que des dossiers incomplets sont souvent mis en attente pour être présentés à la prochaine commission, et que certains demandeurs peuvent se décourager devant les difficultés (d’autant plus s’ils ont ou développent des fragilités psychologiques). On peut imaginer que par manque de connaissance de l’existence de la CDAS et de la possibilité d’obtenir une aide, ou du fait de ne pas vouloir se mettre en situation de demandeur (alors que cela est légitime), de nombreuses personnes qui pourraient avoir recours à la CDAS passent à côté de cette possibilité. Cela pose évidemment la question du budget de la CDAS qui n’est pas extensible (« gestion de la pénurie »/ »sparadrap »).

Les assistantes sociales ont une démarche compréhensive, elles ont une vision d’ensemble des demandes, une expérience et expertise, elles sont orientées vers la recherche de solutions, en fonction des moyens dont elles disposent, mais aussi à l’extérieur, comme auprès des conseillères économiques sociales et familiales. Elles interviennent dans certains cas en urgence pour un secours avant même la réunion de la commission, lorsque la situation est particulièrement difficile (quotient familial négatif dans le mode de calcul du rectorat – soit reste à vivre négatif).

Il existe deux types d’intervention financière : l’aide sans contrepartie (secours) pour un montant allant de 500 à 1500 euros et le prêt remboursable pour un montant de 1000 euros en moyenne.

Les dossiers étudiés en CDAS interroge à la fois la politique salariale, la précarisation des personnels, ainsi que les lacunes de la protection sociale. Des actions sont à mener au niveau même des CDAS, et de la CAAS (Commission Académique d’Action Sociale), en augmentant le budget consacré à l’aide sociale (bloqué depuis plusieurs années), mais également pour exiger des salaires décents et supprimer conjointement la précarité, améliorer la situation des femmes. Et quid d’une personne qui aurait besoin d’une formation ou de passer son permis de conduire pour se projeter dans l’avenir et sortir de la précarité ?