Monsieur le Directeur académique des services,
Monsieur le Secrétaire général départemental,
Il y a de belles théories qui, généralement, distinguent leurs auteurs parmi les grands penseurs de notre temps : par exemple la théorie, fort intéressante, qui établit que la Finlande n’existe pas. Celle, non moins passionnante qui prétend que les Américains ne sont jamais allés sur la lune. Et puis, une théorie, plus récente, œuvre d’un certain Jean-Michel B, qui établit scien-ti-fi-que-ment que les élèves et les personnels éducatifs de ce pays ne se contaminent pas et échappent en grande partie à l’épidémie de covid.
Nous allons exposer ici cette théorie en posant un problème mathématique simple à résoudre :
Le 6 novembre dernier Jean-Michel B comptabilisait 3528 élèves et 1165 personnels positifs au covid dans l’Éducation nationale pour la semaine en cours. Inclinons-nous devant la précision de ces chiffres. Ils représentent donc un taux d’incidence de 0,03 % parmi les élèves et 0,1 % parmi les personnels.
Or, le site Géodes, émanation de l’ARS, établit pour la même période un taux d’incidence de 0,3 pour les enfants de 0 à 14 ans...et non 0,03 % et un taux de 0,43 à 0,57 pour les adultes de 20 à 65 ans...et non de 0,1 %.
Alors échafaudons une théorie, celle sous-jacente aux affirmations de Jean-Michel B. : l’Éducation nationale protège du virus, puisqu’on y recense cinq à dix fois moins de contaminations que dans le reste de la population. C’est pourquoi, Monsieur le Directeur académique, la FSU, toujours forte de son état d’esprit constructif, propose aujourd’hui à vos services une stratégie efficace de lutte contre la covid : puisque l’Éducation nationale, comme nous venons de le démontrer, protège du virus, EMBAUCHONS ! Embauchons des milliers, des millions de personnes afin de les protéger, plutôt que d’engager de coûteuses recherches de mise au point de traitements ou de vaccins ! Embauchons, il n’y a presque pas de contamination dans l’éducation nationale ! Et pour nos jeunes, maintenons-les le plus longtemps possible dans des classes surchargées plutôt que de les jeter, bac en poche, dans ce piège des amphithéâtres universitaires !
Hélas, Monsieur le Directeur académique, quelques esprits chagrins, infiltrés jusque dans nos propres troupes, ne souscrivent pas à cette démonstration pourtant éclatante. Ils constatent que les contaminations sont bien plus nombreuses qu’on ne l’affirme, que les gestes barrières ne suffisent pas lorsque les classes de collège comportent de 28 à 31 élèves, que les cours de récréation bondées dans lesquelles le port du masque n’est pas toujours rigoureux constituent un risque élevé, que les cantines scolaires, surtout, ainsi que les classes de maternelles et la pratique de l’EPS, lieux sans port obligatoire du masque, représentent un danger plus grand encore. Ils constatent que les moyens de nettoyage et décontamination sont très insuffisants, que contrairement à ce qui est préconisé dans le protocole dit renforcé, l’aération des locaux n’est pas réalisable de façon satisfaisante. Ils constatent que, dans de nombreux établissements et écoles, il n’y a pas de lavage régulier des mains ni de désinfection des claviers, des photocopieuses et des divers objets partagés.
Nos écoles et établissements du second degré ne doivent pourtant pas fermer, nous avions dénoncé ici et ailleurs les effets discriminatoires d’un enseignement à distance dont le ministère, après l’avoir tant vanté, a fini par reconnaître les limites. Alors que faire ? Ce que nous demandons ici, comme des dizaines de milliers de collègues de l’académie, c’est un enseignement en demi-groupes, des programmes allégés, le recrutement d’enseignants et celui d’agents territoriaux pour assurer un nettoyage plus fréquent et une vraie politique de prévention qui passe par des tests renouvelés, un vrai traçage, l’information des familles et des personnels quand il y a un cas de COVID dans une classe et l’isolement systématique des cas-contacts. C’est ce prix que la société est prêt à payer pour que les personnels soient protégés et que nos élèves puissent poursuivre une scolarité adaptée.