18 novembre 2018

Sections départementales

Novembre 1918 en Alsace : une histoire oubliée, ou confisquée ?

Le mardi 9 novembre, la CGT et le syndicat DGB ont organisé une journée autour du « drapeau rouge » qui a flotté sur la cathédrale en novembre 1918. La FSU et Solidaires s’y étaient associés, ainsi que plusieurs organisations politiques de gauche.

Mais il n’en est pas question dans les programmes scolaires, la période du 7 au 22 novembre 1918 représente un moment d’organisation populaire démocratique dans la région rhénane.
Les villes allemandes se couvrent de drapeaux rouges et des marées humaines parcourent les rues en chantant l’Internationale. C’était une sorte d’esprit quarante-huitard où « tout le monde nageait dans la confiance mutuelle », « des festivals de l’amitié », bref « une fraternisation universelle des classes ».
Les quelque 15 000 marins alsaciens lorrains « engagés » dans la Kriegsmarine du Kaiser ont empêché (notamment par le sabotage des chaudières) à Kiel une dernière bataille navale suicidaire contre la marine anglaise. Ensuite ils se sont hâtés de rentrer. Après Haguenau, des conseils de soldats, puis d’ouvriers (23 dans tout le Reichsland, 8 en Alsace), sont installés dans les principales villes. A Strasbourg, la foule se rassemble quotidiennement sur la place Kléber, les conseils se réunissent dans l’actuel tribunal. Les premières mesures adoptées sont de lutter contre la disette, en augmentant les salaires, et en luttant contre le chômage. Le gouverneur militaire allemand, lâché par ses troupes, comprend que la partie est perdue.
Le 10 novembre au soir, sur la place Kléber, la République est doublement proclamée : d’un côté par le sergent Rebholz, brasseur dans le civil, représentant du conseil, de l’autre par le socialiste francophile Jacques Peirotes, maire de Strasbourg. La ville sera codirigée mais les conseils optent pour une Alsace neutre dans un espace socialiste (pour certains dans un contexte révolutionnaire), les autres appellent de leurs vœux le retour à la France.
Le 12 ou le 13 novembre, le drapeau rouge flotte pour quelques jours sur la cathédrale.
Les bourgeois francophiles, autour de Jacques Peirotes, demandent aux troupes françaises de hâter leur venue, ce qui fut fait le 22 novembre.
Il faut préciser qu’en Alsace cette période n’a entraîné quasiment aucune exaction.
Le mouvement (avec au programme la mise en place de mesures sociales) s’est poursuivi en Allemagne, notamment du côté du Darmstadt, il s’est étendu à d’autres régions, où l’on croisera Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht jusqu’à leur assassinat en 1919. La coalition de « corps francs » (dans lesquels l’extrême droite joue un rôle important), des intérêts de l’industrie et des corps politiques constitués ont provoqué une véritable saignée dans les mouvements ouvriers. La République de Weimar a ouvert la voie au nazisme.
Jean-Louis Hamm