4 novembre 2018

Sections départementales

Nous avons lu pour vous ! Revue de presse - octobre 2018

L’Ecole publique « blanquérisée » Petit abécédaire pour comprendre à l’aide de la presse

Chaos éducatif

Un collectif d’universitaires et d’enseignants dénoncent le profond bouleversement de notre système d’éducation dans une tribune publiée par le quotidien Le Monde du 19 octobre et refuse « cette culture de l’évaluation ». Ce collectif s’insurge contre ce système qui place l’élève en perpétuelle évaluation (cf. aussi le nouveau bac) et égrène les difficultés et les inquiétudes engendrées par ce culte de l’évaluation : « un fichage à destination du système d’orientation et des employeurs ». Les enseignants-chercheurs rappellent qu’il n’est nul besoin d’évaluer les établissements pour cibler les difficultés des élèves. Il suffit de laisser les chercheurs faire leur travail : trouver un échantillon représentatif d’élèves, élaborer les questionnements et les dépouiller avec rigueur à l’aide d’équipes. C’est moins coûteux et plus efficace, tout le monde l’aura compris.

La crainte de ce collectif est fondé et rejoint les inquiétudes du SNES : « en réalité, il s’agit là de développer des dispositifs de contrôle en continu dont la publication encouragera ‘la concurrence libre et non faussée, de citoyens devenus des ‘usagers’. Le service public ne sera plus fondé sur des valeurs communes, la volonté de garantir à chaque enfant le droit à l’éducation ». Oui, un chaos éducatif s’annonce : « Jean-Michel Blanquer bouleverse notre modèle éducatif. Pas pour lui permettre de répondre par plus de solidarité aux défis de la modernité. Mais pour en calquer le fonctionnement sur celui d’une économie et d’un monde en bout de course. Il est temps de se mobiliser pour imaginer une autre voie ».

Pour couronner ce nouveau système éducatif libéral, une loi est en préparation afin de fragiliser encore plus le statut des enseignants déjà mis à mal (Le Monde du 13 octobre) : suppression des ESPE, changement de place des concours de recrutement, AED pouvant enseigner à leur place. Interrogé par deux journalistes du quotidien du soir, Hervé Christofol (SNESUP-FSU) insiste : « c’est la négation de la nécessité d’avoir des enseignants formés devant les classes ». Après le nouveau mode d’évaluation des enseignants, le ralentissement des carrières, le gel du point d’indice, la suppression des postes attendue et la baisse des postes au concours, c’est une attaque sans précédent qui s’annonce. L’article 6, écrivent les journalistes, va encore plus dans ce sens et autorise des personnes de droit privé à participer au budget des établissements et l’article 8 leur permet des « expérimentations pédagogiques ». « Un blanc-seing, selon les rédacteurs, qui pourra être donné tant en matière pédagogique que sur la répartition des heures d’enseignement sur l’année, sur les choix des partenaires ou sur l’utilisation du numérique ». L’article 13 enfin sonne le glas : la disparition de 17 sur 30 académies !

Disparition programmée des REP/REP+ ?

La mise en débat et le retour des vieilles antiennes refont surface et c’est cette fois-ci dans un rapport de la Cour des comptes : la faillite des REP/REP+. Deux articles de la presse nationale (Libération du 17 octobre et Le Monde du 18 octobre) résument les grandes lignes du rapport et révèlent les préconisations de nos sages. Tout cela est d’une « criante actualité » nous rappelle la journaliste du Monde, Violaine Morin. Oui, criante actualité à l’heure où la carte de l’Education prioritaire a été gelée et un nouveau rapporteur nommé. La cour part du principe que les écarts sont déjà acquis dès le plus jeune âge et que les dispositifs des REP/REP+ ne permettent plus de remédier à une « ségrégation socio-spatiale de plus en plus criante ». De plus, le label serait, selon elle, aussi responsable d’une politique d’évitement des familles.

La solution ? Supprimer les réseaux mais pas dans le primaire. C’est la nouvelle idée à la mode : tout miser sur le primaire. Notre ministre, rappelle encore la journaliste, se base ainsi « sur de nombreuses études françaises et internationales » (on aimerait savoir lesquelles) pour mettre en place par exemple la réforme du dédoublement. La Cour des comptes propose de l’élargir sur trois niveaux. Une autre proposition serait de stabiliser les équipes enseignantes avec une prime au mérite nommée « allocation ». Dans Libération, on peut lire que « la cour a plein d’idées dans sa hôte » comme « faire varier les moyens en fonction d’un indice synthétique de difficulté et donc du profil socio-économique des familles ».

En fin d’article du Monde, la parole est donnée aux acteurs de terrain. Marc Douaire, président de l’observatoire des zones prioritaires, regrette le mélange à venir : aux REP seraient adjointes des zones rurales défavorisées et les DOM-TOM. L’éducation prioritaire serait alors vidée de sa substance première. Le collectif « Touche pas à ma ZEP » interrogé par la journaliste souligne au final « qu’on abandonne les élèves les plus fragiles au moment où ils peuvent obtenir une qualification. Ca n’a aucun sens ». Mais est-ce là la préoccupation première de la Cour des comptes ?

Evaluation à tout va

Prévue par la prochaine loi (projet de texte de 24 articles a été présenté le 15 octobre), le démantèlement du CNESCO est en route. Un collectif d’universitaires chercheurs et d’enseignants européens réagit et a publié une tribune dans Le Monde du vendredi 19 octobre « Pour une évaluation indépendante de l’école » et dénonce ainsi la mise au pas de la nouvelle instance. Créé par l’article 9, le nouveau conseil d’évaluation est placé sous l’autorité du ministre. Sa composition pose problème, rappelle le collectif car 4 membres seront choisis par le ministre et y siègeront aussi un député et un sénateur. Indépendante politique ? On en doute ? Indépendance intellectuelle ? On en doute encore plus : « tout aussi grave, la capacité du conseil de produire des évaluations disparaît. (...) Au final, le paradoxe est manifeste : d’un côté, la déconstruction d’un organisme qui assure, avec une efficacité reconnue, la fonction d’évaluateur lanceur d’alerte, d’un autre côté, la création d’un organisme qui ne sera plus en mesure de remplir ces mêmes missions indispensables au bon fonctionnement de toute démocratie ». Et de conclure « les citoyens français méritent une évaluation indépendante de leur école ».

Evaluation toujours. C’est aussi sur la base d’un modèle libéral que nous avons fait passé des tests nationaux à nos élèves. Les conditions et le mode d’évaluation sont à revoir : « Les résultats des évaluations en CP/CE1 font débat » (Le Monde du 17/10). Le dimanche 14, les résultats étaient déjà prêts pour le primaire alors une la clôture des textes avait lieu le vendredi. « 23% des élèves au début du CE2 sont en difficulté » annonce M. Blanquer. Ce résultat si vite obtenu, ne va pas manquer d’abonder dans le sens du ministre et d’accentuer dans le sens des réformes éducatives en cours.

Inégalités même chez les Tout-petits !

Le Canard rappelle dans son numéro du 19/09 que « les inégalités des chances au sein du système scolaire se révèle avant 3 ans ». Le constat est sévère mais juste (il rejoint par là les revendications des syndicats enseignants de la FSU qui demandent la scolarisation obligatoire dès 2 ans) et provient d’un rapport de l’OCDE. L’hebdomadaire souligne que nous sommes dans un retard inquiétant : ce sont effectivement les tout-petits qu’il faudrait scolariser. En France, leur scolarisation a baissé de 35% en 2000 à 21% aujourd’hui ! F. Popineau du Suipp-FSU déclare qu’il « est pourtant nécessaire surtout dans les milieux les plus éloignés de l’école » de scolariser les enfants les plus jeunes. Dans les REP aussi, déclare-t-elle, la scolarisation est à peine de 20%.

Laïcité : en première ligne

Suite à l’enquête menée par le comité national d’action laïque au printemps dernier, le ministère a communiqué début octobre sur les atteintes à la laïcité (Le Monde du 13 octobre) : « 402 cas ont été traités, entre avril et juin, par les équipes dédiées des rectorats » a annoncé M. Blanquer. Mattéa Batttaglia, la spécialiste des questions éducatives du Monde, rapporte que 30 signalements sont faits chaque jour. Une dizaine d’académies regroupe les ¾ des signalements et concernent surtout le collège.

Si on recoupe les données de l’enquête avec les derniers chiffres du ministère, note la journaliste, la situation n’est pas alarmante : un enseignant sur 10 témoignait de contestation régulières « mais dans la quasi-totalité des cas, le dialogue avait suffi à résoudre ces tensions. ».

Réagir : mobiliser, manifester et voter !

C’est bien une réforme politique, d’une vieille tradition libérale à la Thatcher et sans concertation, sans concession qui touche et vise les fondements de notre système scolaire. C’est la secrétaire générale du SNES-FSU qui nous le rappelle dans le dernier numéro de l’US Mag (numéro 781) : « La Fonction publique, garante du principe de l’égalité des citoyens, est particulièrement malmenée : statuts, postes, retraites....tout risque d’être touché. Le service public d’éducation, censé demeurer prioritaire, n’échappe pas à la tourmente ». Pire, annonce Frédérique Rolet, « un nouveau projet éducatif ségrégatif, valorisant les élites et reléguant les autres est en route ».

Réagir est urgent et la poursuite de l’action est déjà actée par le 12 novembre, jour de la grève dans tout le secteur éducatif. « Il faut plus que jamais amplifier les mobilisations et voter SNES et FSU lors des élections professionnelles pour donner plus de poids à nos revendications. » déclare notre secrétaire générale.

Ludmilla Fermé