La FSU 68 est à l’initiative du seul bilan connu sur l’expérimentation « Lycée 4.0 » lancée dans le Haut-Rhin en 2017. Les conclusions sont sévères. Lors d’un point presse – et à l’heure de la distribution d’ordinateurs portables à tous les élèves de seconde à la prochaine rentrée – le Snes-FSU s’étonne de la méthode employée. « Cette généralisation de l’expérimentation 4.0 se fait à marche forcée, sans aucun bilan depuis 2017. C’est pourquoi le CHSCTD 68 [Comité hygiène et sécurité-conditions de travail départemental] a décidé cette consultation dans les lycées Louis-Armand et du Rebberg à Mulhouse, Jean-Jacques-Henner à Altkirch et Alfred-Kastler à Guebwiller », explique Marie Simeoni du Snes-FSU, membre du CHSCTD.

Au total, 151 professeurs ont répondu aux questions, pour « observer l’impact de l’introduction massive du numérique sur les conditions de travail et la santé des personnels concernés » et trois conclusions s’imposent : « Cette enquête fait ressortir que la mise en œuvre du dispositif lycée 4.0 se heurte à des défaillances techniques [problèmes de réseau, de débit, de qualité des documents numériques...], des manques de formation [pour les enseignants] et des déstabilisations pédagogiques [avec en particulier les élèves les plus fragiles qui n’arrivent pas à se concentrer, qui ont des attitudes “buissonnières” face à l’ordinateur]. »
Au-delà du discours sur le lycée 4.0, il y a surtout la méthode qui scandalise les syndicats enseignants. « Le rectorat laisse le politique aux manettes. On nous impose dans nos classes un média dont nous n’avons pas forcément besoin. On ne veut pas du prêt-à-porter mais garder le libre du choix de notre pédagogie ! »

« On cherche à rendre les élèves passifs »

Surtout, les représentants du Snes-FSU s’élèvent contre la disparition des livres scolaires en papier. « Les élèves n’ont plus de livres. Et pour les parents qui n’ont pas de connexion internet à la maison, on fait comment ? questionne Agnès Miegeville, du lycée Schweitzer. Face aux écrans, on cherche à rendre les élèves passifs... »
En vrac, les représentants syndicaux constatent que dans la première vague des lycées connectés « le budget photocopies a explosé » et que des enseignants veulent déjà revenir en arrière (comme les profs de maths du lycée Bartholdi) et aux manuels papier à la prochaine rentrée. « On dénonce des décisions uniquement politiques qui nous sont imposées », poursuit Élise Peter, secrétaire départementale du Snes-FSU. Elle demande, comme le CHSCTD 68 qui a voté dans ce sens le 7 février dernier, « un moratoire immédiat de l’expérimentation du lycée 4.0 ».
Pas impossible que les fameux « portables Rottner » destinés à tous les élèves de seconde aient un peu de mal à être déballés des cartons en septembre prochain...

Laurent GENTILHOMME (L’Alsace, 29 mars 2019)