Monsieur le Président de la région Grand Est, Mesdames, Messieurs les élu-e-s,
Nous vous écrivons aujourd’hui au sujet de l’expérimentation du lycée 4.0.
La région Grand Est aurait décidé qu’à la rentrée prochaine les lycéens dont les établissements passeraient au 4.0, pourraient bénéficier d’un équipement informatique gratuit. C’est certes une avancée - dont on peut se demander si elle sera pérenne - mais qui laisse de côté de nombreux problèmes et interrogations posés par le tout numérique.
Mise en place il y a deux ans, sans concertation avec les enseignants, l’expérimentation 4.0 n’a, à ce jour, fait l’objet d’aucun bilan sincère de la part de la région qui veut pourtant l’étendre à tous les établissements, au moins pour le niveau 2de, dès la rentrée prochaine et au plus tard à la rentrée 2020.
Or, nous vous avons maintes fois alertés sur les problèmes techniques et pédagogiques mais aussi les questions sanitaires et environnementales liés à ce dispositif et sur la souffrance qu’il entraine pour nombre de nos collègues privés de la liberté de choisir sur quel support ils souhaitent travailler. Les conseils d’administration des établissements concernés se sont aussi exprimés par des motions auxquelles il n’a pas été donné suite.
Les conséquences négatives de l’introduction du manuel numérique ont été en grande partie corroborées par l’enquête menée par le CHSCTD68 auprès des collègues des établissements déjà dans l’expérimentation.
Le CESER Grand Est s’est également inquiété « d’une marche forcée du programme 4.0 » et prononcé pour un moratoire et un bilan dans un avis rendu le 16 janvier 2019. Plusieurs établissements ont d’ores et déjà refusé cette imposition de l’outil numérique.
Dans cette période où le débat et le dialogue social ne cessent de revenir dans les discours de responsables politiques, il serait temps qu’ils se traduisent en acte concret. Faute de quoi, ils ne sont que des coquilles vides générateurs de ressentiments et de colère. A la veille d’élections, il serait regrettable que la voix des citoyens que sont les enseignants, les parents d’élèves, mais aussi bientôt les lycéens soit traitée avec mépris par des décideurs persuadés d’avoir raison contre tous.
C’est pourquoi, nous serons très attentifs aux réponses que vous apporterez à ce nouveau courrier.
Dans l’immédiat, nous demandons que soient distingués l’équipement des élèves et l’imposition du manuel numérique. Pour nous, s’il est bienvenu que la Région finance l’accès à un ordinateur pour chaque élève, elle doit permettre aux équipes enseignantes de choisir entre manuel numérique et manuel papier en prenant en charge le coût des licences ou du livre selon les décisions validées par les conseils d’administration après consultation des équipes disciplinaires.
Veuillez croire, Mesdames, Messieurs, en notre profond attachement au Service Public d’Education.
Ainsi, l’expérimentation mise en place dans certains établissements n’a pas donné lieu à « un bilan sincère de la part de la Région » avant son extension aux autres lycées, déplore le syndicat. Le SNES-FSU indique avoir « alerté sur les problèmes techniques et pédagogiques liés à ce dispositif mais aussi sur les questions sanitaires et environnementales » et sur la « souffrance qu’il entraîne » pour des enseignants « privés de la liberté de choisir sur quel support ils souhaitent travailler ».
« Conséquences négatives » et « marche forcée du programme 4.0 »
Le comité hygiène et sécurité-conditions de travail (CHSCTD) du Haut-Rhin avait mené une enquête qui pointait « les conséquences négatives de l’introduction du manuel numérique » et le CESER Grand Est s’était inquiété « d’une marche forcée du programme 4.0 », réclamant un « moratoire », rappellent les syndicalistes. « Il serait regrettable que la voix des citoyens que sont les enseignants, les parents d’élèves, mais aussi bientôt les lycéens soit traitée avec mépris par des décideurs persuadés d’avoir raison contre tous », indique le SNES-FSU, réclamant que les équipes enseignantes puissent continuer de choisir « entre manuel numérique et manuel papier ».
Ces préoccupations sont également relayées par le SNES-FSU du Haut-Rhin, qui met l’accent sur l’enquête du CHSCTD, à laquelle 151 professeurs avaient répondu. « Cette enquête fait ressortir que la mise en œuvre du dispositif lycée 4.0 se heurte à des défaillances techniques (problèmes de réseau, de débit, de qualité des documents numériques...), des manques de formation (pour les enseignants) et des déstabilisations pédagogiques (avec en particulier les élèves les plus fragiles qui n’arrivent pas à se concentrer ».
« Le rectorat laisse le politique aux manettes. [...] On nous impose dans nos classes un média dont nous n’avons pas forcément besoin [...] On ne veut pas du prêt-à-porter mais garder le libre du choix de notre pédagogie », écrivent les syndicalistes haut-rhinois. Surtout, c’est la disparition des livres scolaires en papier qui inquiète. « Les élèves n’ont plus de livres. Et pour les parents qui n’ont pas de connexion internet à la maison, on fait comment ?, questionne Agnès Miegeville, du lycée Schweitzer. Face aux écrans, on cherche à rendre les élèves passifs. » Les représentants syndicaux constatent que dans la première vague des lycées connectés « le budget photocopies a explosé », et que des enseignants veulent déjà revenir en arrière (comme les professeurs de mathématique du lycée Bartholdi) et aux manuels papier à la prochaine rentrée. C’est donc un moratoire que demandent les enseignants du SNES. Pas impossible que les fameux « portables Rottner » destinés à tous les élèves de seconde aient un peu de mal à être déballés des cartons en septembre prochain...
(Article paru dans les DNA du 29/03/2019 et accompagné du témoignage d’un lycéen inquiet du possible passage de son établissement au 4.0 après avoir connu l’expérimentation dans son précédent lycée).