Comme nous nous étions engagés à le faire, le SNES FSU et le SNUEP FSU, en collaboration avec les fédérations de parents d’élèves FCPE et PEEP, ont enquêté auprès des collègues, des parents et des élèves des lycées concernés.
Alors qu’une nouvelle vague de recrutements se prépare pour la rentrée 2018, le constat est accablant : élèves et enseignants paient la précipitation, pour ne pas dire l’amateurisme, dont les différents acteurs du dispositif ont fait preuve.
En effet, plus de deux mois après la rentrée, la situation est catastrophique, rien ne fonctionne. Malgré les travaux réalisés durant l’été, beaucoup de problèmes techniques se posent : la connexion Wi-fi n’est pas optimale, le débit de connexion est insuffisant, la bande-passante est saturée et rien n’est prévu pour la recharge des appareils. Dans certains lycées, il n’est même plus possible de faire l’appel sur ENTEA.
A la veille des vacances de la Toussaint, les élèves n’avaient pas tous leur matériel, la dernière livraison étant prévue le 9 novembre, et à l’heure actuelle, personne n’a son manuel, car le logiciel permettant de télécharger les manuels pour y avoir accès hors connexion n’est pas opérationnel. On peut les lire en ligne, via l’ENT de l’établissement, mais uniquement à la maison puisqu’au lycée, la connexion est trop lente ! Les élèves se sentent floués. Et que dire de ceux, élèves ou enseignants, qui habitent dans une zone blanche ? Comment préparer ses cours quand on a une mauvaise connexion internet chez soi ? En classe, les collègues se débrouillent donc comme ils peuvent, à grand renfort de photocopies ou de documents scannés et vidéo-projetés. Ils n’ont pas non plus encore pu bénéficier de formation : on s’informe auprès de collègues plus chevronnés. Dans un lycée, on organise des « échanges d’expériences » ou des « pique-nique 4.0 » ! Les PRN et PRI sont submergés de demandes, il faut attendre une semaine pour qu’un intervenant extérieur vienne régler un problème, les collègues sont épuisés, stressés, perdent du temps avec un outil qu’ils ne maîtrisent pas et qui désorganise leur cours.
L’intérêt pédagogique reste aussi à démontrer : l’interactivité est faible, les manuels proposés se limitant le plus souvent à des PDF verrouillés contre la copie ; en Histoire-Géographie, l’offre est même moins riche, car certains documents ne figurent pas dans la version numérique pour des raisons de droits de reproduction. Autre aspect négatif : le face à face indispensable à toute relation pédagogique est rompu.
Les aspects financiers du projet interrogent également. La Région s’était engagée à financer la moitié du coût de l’équipement des élèves, dans une limite de 225 €, si la famille choisissait l’un des trois supports proposé par le titulaire du marché retenu suite à l’appel d’offre de la Région (tablette avec clavier à 372 €, ordinateurs portables à 452 € ou 1056 €). On apprendra plus tard que la société HP a ainsi réussi à écouler ses fins de série avant l’été : à la rentrée, les élèves avaient du matériel déjà obsolète. Monsieur Richert a beau jeu de se vanter sur France 3 que grâce à lui, les étudiants auront déjà leur ordinateur quand ils entreront à l’université ! Un paiement échelonné a été proposé aux familles, sur un, deux ou trois ans : la somme totale alors versée pourra au final excéder de 12.5% le prix coûtant : un véritable taux d’usure !
L’assurance, initialement incluse dans l’offre de la Région, est finalement à la charge des parents et le pack office Microsoft n’est pour l’instant pas fourni : Microsoft exigerait d’avoir accès aux bases de données de l’Education Nationale. La CNIL fait heureusement barrage.
Nos craintes concernant ce dispositif s’avéraient donc malheureusement fondées et la situation serait risible si l’enjeu n’était pas si grave : faut-il rappeler aux politiques qu’il en va de la réussite d’une année scolaire ? Que certains élèves passent le bac au mois de juin ? Nous avons donc adressé un courrier conjoint à la Rectrice, au président de Région, avec copie au Ministre, pour demander un moratoire avant toute extension du dispositif et la possibilité de laisser la liberté, aux élèves et aux enseignants, d’utiliser le support de leur choix, numérique ou papier.