9 avril 2019

Sections départementales

Lycée Camille Sée - Un sentiment de mépris

C’était une contestation pacifique et constructive de la réforme du lycée voulue par le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer. Jeudi soir, une trentaine de professeurs du lycée Camille-Sée de Colmar se sont mobilisés sur le parvis de l’établissement. (Article de Nicolas Pinot, L’Alsace, 7 avril 2019)

Ils étaient 30, et c’était déjà un beau succès. « Lors du référendum organisé en interne au sujet de la réforme des lycées, 60 collègues ont participé. Trois étaient pour, deux se sont abstenus et 55 étaient contre. Alors comment le ministre peut-il prétendre que 90 % des enseignants soutiennent sa réforme ? »
Pour Élise Bouchard, professeure de sciences économiques et sociales, sa collègue d’histoire-géographie Valentine Hoffbeck et le documentaliste Marc Weber par ailleurs représentant du Syndicat national des enseignements de second degré (SNES) à l’origine de cette variante locale de la « nuit des lycées », le ministre ne vit « pas dans le même monde » que le corps enseignant.
Le mal est profond et les profs tiennent à le faire savoir au grand public : « Nous allons perdre 50 heures de cours en seconde et première pour pouvoir faire tourner le lycée l’année prochaine. Du coup, il y aura beaucoup moins de dédoublement de cours », prévient Élise Bouchard. Le dédoublement permet de faire cours à des classes de 18 élèves au lieu de 35. « Nous pouvons ainsi faire de la remédiation pour les élèves en difficulté et de l’approfondissement pour les meilleurs éléments, mais aussi mener à bien des projets comme des voyages, des débats, des rencontres avec des intervenants extérieurs. »
C’est bien là le paradoxe. « On nous demande de diversifier nos pratiques pédagogiques mais on nous supprime les moyens de le faire. Du ministère émanent des injonctions contradictoires », constate Valentine Hoffbeck. Autre grief, le fait que « dès la seconde, un élève devra choisir trois spécialités qui vont déterminer son parcours post-bac. Mais l’une des trois sera abandonnée après la classe de première puisqu’il y a la possibilité de changer entre la première et la terminale. Comment allons-nous rattraper un an de spécialité, sachant que ce sont des programmes de quatre heures par semaine ? » Pour ces enseignants, « le ministre contredit son propre texte et n’assume pas sa réforme ». Et la communication avec le ministère de l’Éducation nationale n’est pas des plus efficaces : « Les éditeurs ont des informations sur le format des épreuves de fin d’année avant les profs. On ne sait même pas pour quelles épreuves préparer nos élèves. C’est de l’improvisation totale. » Du bricolage, pouvait-on lire sur les banderoles déployées çà et là sur le parvis.
« Blanquer parle de l’école de la confiance, mais cette confiance n’est pas accordée aux personnels de l’Éducation nationale. » Un « sentiment de mépris », des conditions de travail qui « se dégradent » et un décalage entre les discours et le terrain qui ont poussé ces profs à rendre « visibles » leurs revendications. Et débattre au crépuscule sur le parvis, malgré des températures dissuasives, c’est un mode d’action qui complète la grève. « On ne peut pas faire grève à chaque fois qu’il y a un problème afin de ne pas pénaliser les élèves. Il nous fallait alors trouver d’autres moyens pour nous faire entendre. »