Le projet d'académie 2017 – 2020 est arrivé !

Il est consultable en ligne :
https://www.ac-strasbourg.fr/academie/politiques-educatives/projet-dacademie/

D’abord un premier constat : le dernier projet d’académie couvrait la période 2012 – 2015 ; nous avons donc vécu deux années sans projet d’académie. C’est donc possible ? Aucun bilan n’est prévu, nous en avons hélas l’habitude dans l’éducation nationale. On empile les projets, avec quantité d’ indicateurs en vue du « pilotage par la performance », sans tirer les leçons et conséquences du précédent.
Dans le nouveau projet, l’avant propos de la rectrice Mme Béjean énonce des priorités :
 garantir à tous des savoirs fondamentaux et accompagner chacun dans un parcours de réussite révélant ses talents,
 permettre aux élèves comme aux personnels de travailler dans un environnement serein,
 agir pour un service public performant et une École de la République inclusive et équitable.
Suit une déclaration d’autosatisfaction : l’académie « pilote ses priorités, elle innove dans la pédagogie et l’orientation, elle forme ses personnels.
Les personnels de notre académie jugeront de ce qu’il en est réellement sur le terrain, en particulier en termes de formation des personnels, d’autant que ces priorités étaient déjà plus ou moins celles du projet précédent.
Sur une soixantaine de pages, ce projet énumère une quantité impressionnante d’injonctions, sans jamais les mettre en regard de mesures concrètes applicables sur le terrain, et encore moins d’engagements sur des moyens. Quelques exemples :

La foi dans sa sainteté le numérique, une « innovation » présentée comme la panacée :

  • plus de 60 établissements déployant les usages des tablettes, dont 3 collèges BYOD ( abréviation de l’anglais « bring your own device » (« apportez vos appareils personnels ») préfigurant les usages de demain,
  • une dynamique de formation sur des parcours hybrides s’appuyant sur les plateformes M@gistère, Moodle et des MOOC portés par l’académie,
  • pour le premier degré, un incubateur numérique, le déploiement d’un ENT et des projets tablettes et robots dans les écoles, dès la maternelle,
  • 13 lycées engagés dans le projet « lycées 4.0 » visant à remplacer le manuel papier par des ressources numériques via le BYOD.
    Le délire sans limites consiste maintenant à entraîner les enfants dès la maternelle vers les appareils numériques sans la moindre réflexion sur les risques sanitaires et psychologiques de ces usages. Ces préconisations sous-entendent aussi un certain nombre de dispositifs qui transformeront radicalement la formation, celle des élèves par une tendance à « l’école inversée », celle des professeurs par des formations en ligne et non plus en présentiel.

En ce qui concerne la politique des langues, le satisfecit est sans limites : « Les élèves apprennent l’allemand dès la maternelle. », avec la belle vitrine des 8 sections internationales, plus les sections européennes et binationales, mais il s’agit aussi de « préserver une diversité linguistique » : nos collègues de langues savent à quoi s’en tenir cette année particulièrement avec des groupes dont les effectifs sont hyperchargés, des niveaux disparates, des langues en danger (italien, espagnol, arabe, turc…) ! Et le rectorat, que le SNES FSU académique a interpelé à plusieurs reprises sur la situation des langues, fait silence radio. Il n’y aurait pas de quoi se vanter ?

Un certain nombre d’injonctions visent à transformer fondamentalement l’éducation (une réforme qui ne dit pas son nom) :

« promouvoir une évaluation positive qui valorise les compétences informelles et l’implication de l’élève, en prenant « appui sur les nouveaux outils de suivi (LSU, LSL, folios..).
Développer des démarches de projet et une pédagogie coopérative
Investir les instances pédagogiques d’un rôle d’impulsion et de régulation…
Favoriser la souplesse des parcours grâce aux marges d’autonomie »
Traduction : une évaluation qui n’aura plus beaucoup de lien avec les champs disciplinaires ni même les compétences « formelles » ; le conseil pédagogique verra ses pouvoirs accrus, et ne sera plus simplement une instance de propositions.

L’orientation :

Le parcours « avenir » exigera « un partenariat fort avec le monde économique et professionnel, notamment dans le cadre du service public régional de l’orientation », bref les portes plus largement ouvertes à l’entreprise, et le rêve de M. Richert sera réalisé : la main mise des régions sur l’orientation et la formation
« améliorer la connaissance de l’orientation et du monde économique par les personnels » avec des opérations comme « les boss invitent les profs » avec le MEDEF et l’Académie main dans la main , « intégrer les thématiques de la vie professionnelle dans les enseignements » : « les liens historiques avec le monde économique sont animés au niveau académique par le club Ecole –Entreprises fondé en 1994 et au niveau local par les 14 comités locaux éducation économie (CLEE).
« améliorer l’insertion professionnelle par des formations qualifiantes adaptées au marché du travail »
Il est donc davantage question de développer l’ « employabilité » des élèves, et des compétences tous azymuts, plutôt qu’une solide culture générale.

Il est évident que depuis des décennies, tous gouvernements confondus, l’école publique française est en marche vers un système de plus en plus libéral, avec une offre de formation et une rigueur en diminution, une évaluation moins exigeante. Les conséquences commencent à se voir, et cela ira en s’accroissant. Pour les personnels, le projet souligne un « atout » : « la qualité du dialogue social, son caractère constructif et positif », assertion pour le moins étonnante à bien des égards. Enfin, l’académie est « engagée dans une expérimentation de lutte contre les Risques PsychoSociaux : il faudra agir vite, car pour de très nombreux collègues la situation est difficile : injonctions contradictoires, autoritarisme, travail sans fin, classes surchargées. La crise du recrutement, les démissions en augmentation, les départs d’élèves vers le privé, en sont des signes visibles.
Il s’agit donc pour nous de défendre une conception différente de l’école du second degré. Vous trouverez par ailleurs des conseils pour agir au niveau de l’établissement.
Jean-Louis Hamm

Pour poursuivre la réflexion :
 http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/84DOS_Une%C3%A9colelib%C3%A9rale2.aspx
 Christian Laval, Francis Vergne, Pierre Clément, Guy Dreux, La nouvelle école capitaliste , La Découverte, 2011